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AG 2024 : Pour une IAE de résistance, prenons notre destin en main

25 juillet 2024

Le dernier temps fort de cette Assemblée Générale du jeudi 27 juin 2024 fut l’organisation d’une table ronde sur le thème : « Pour une IAE de résistance, prenons collectivement notre destin en main ! » 

Avec comme intervenants :  

Olivier Flament Président de Coorace Ile-de-France – en tant qu’animateur  

Yann Fradin Vice-Président Emmaüs France 

Julien Adda Directeur du réseau Cocagne 

Laurent Pinet Président de Coorace 

Damien Baldin Vice-Président d'ESS France et DG de la Fondation La France s'Eengage 

Entre constats et prises de position, Coorace vous livre quelques extraits des réflexions menées par nos intervenants pour débattre de cette posture de résistance du secteur de l’Insertion par l’Activité Economique.  

Olivier Flament : 

« Tous les adhérents de Coorace se posent beaucoup de questions sur l’IAE aujourd’hui, sur les perspectives et le contexte dans lequel nous sommes. Depuis sa création, l’IAE n’a pas une histoire linéaire. […] Après une période où le pacte ambition a presque doublé le budget de l’IAE en France, nous vivons un coup d’arrêt brutal, caractéristique d’une logique trop bien connue de stop and go. Les créations de structures sont mineures et beaucoup disparaissent notamment les AI. »  

Il s’interroge ensuite sur l’identité et la direction de l’ESS aujourd’hui et comment faire évoluer le modèle de l’IAE pour qu’il soit le plus accompagnant possible pour les salariés tout en se faisant reconnaitre et en se développant dans un environnement très libéral.  

Pour répondre à la thématique du jour, la table ronde s’est organisée en 3 temps : 

  1. Les constats 

  1. Le contexte social et politique 

  1. Les perspectives  

 

Le regard de nos intervenants sur l’ESS 

Laurent Pinet : L.P 

« Il y a des signaux inquiétants, tout autant que des réponses qui sont porteuses d’espoirs dans la façon dont les réseaux de l’IAE réagissent. Beaucoup de crédits ont été mis à disposition du secteur mais la question de leur utilisation et de leur répartition reste posée et sans réponse aujourd’hui. Coorace et l’ensemble des réseaux réclament dans toutes les réunions de travail avec la DGEFP et le cabinet de la ministre une évaluation du pacte ambition IAE pour savoir comment l’argent a été fléché. […] En effet, les millions injectés ne sont pas toujours  visibles. »  

Pour le président de Coorace, nous avons beaucoup de mal à voir les effets structurants de ces millions. Nous nous retrouvons dans une logique de stop and go complètement déstabilisante pour des organisations qui ont déjà fait beaucoup defforts d’adaptation, d’agilité dans leur mode de fonctionnement jusque dans leur gouvernance. Et il termine en relevant :  

« Le cri d’aujourd’hui est bien un : STOP . Qu’est-ce qui nous reste à prouver et qu’est-ce qu’on attend réellement de nous ? »  

Pour le président de Coorace il existe des signes encourageants sur la volonté de collaboration, le partage et l’écoute entre les réseaux et tout le secteur. C’est par la coopération que nous nous renforcerons. 

Damien Baldin : D.B 

« Je relève une incohérence absolue dans le constat de la posture inaudible des structures, nous sommes méprisés y compris par nos amis politiques. Dans aucun programme pour les élections européennes je n’ai vu l’ESS mentionnée ! L’enjeu est de s’organiser politiquement en s’interrogeant sur quel chemin politique défendre tous ensemble.»   

Yann Fradin : Y.F 

« L’ESS est véritablement à un tournant. Nous représentons 10% de l’économie en France avec certaines régions où l’ESS représente plus de 20% de lemploi privé. L’objectif est de continuer de croître. »  

Julien Adda : J.A 

« Nous devons prendre du recul sur la dévalorisation de notre offre de service. Nous avons une vision opératrice de nous-mêmes avec la charge de la preuve sur le volume. Nous sommes rentrés dans un mode gestionnaire de l’action publique. Tout en sachant que ce genre de « new public management » ne fonctionne pas. »  

Pour lui il y a des écarts entre les objectifs et la réalité du terrain. Il explique que la richesse de notre travail quotidien d’accompagnement reste invisible et que l’absence de vision globale empêche d’en constater les effets extrêmement positifs à 3 ou 4 ans. Et il ajoute :  

« Nous sommes enfermés dans une soumission à une idéologie gestionnaire de nous-même. Pouvons-nous faire différemment et trouver des alliances objectives en co-construction avec les autorités publiques ? »  

 

Comment augmenter le seuil de tolérance face à la montée des extrêmes ?  

Y.F : « Nous appelons à lutter contre l’extrême droite avec des débats entre des salariés et des militants engagés. Nous avons un travail d’éducation politique qui ne fait que démarrer. » 

J.A : « Le vote R.N n’est plus un vote de contestation mais plutôt un vote d’adhésion. Il est massif et situé exactement où nous nous situons en ruralité, en périurbain, etc… »    

Pour Laurent Pinet, nous devons nous interroger sur notre part de responsabilité et sur le fait de tenir « la place de bon soldat » qui participe à la mise en oeuvre de politiques qui répondent insuffisamment aux besoins des personnes et des territoires 

Il poursuit avec la démonstration :  

« que nous avons servi de réparateur des dégâts des externalités négatives » et regrette notre échec  à avoir proposé un vrai modèle alternatif.  

[…] Il conclut sur :  

« Nos valeurs nous imposent de nous rassembler avec des temps d’échange, de co-construction, de débat et de participation citoyenne. Nous arriverons ainsi à avoir un impact au-delà de la place que l’on veut bien nous laisser. »  

 

Quel est votre enjeu de transformation politique dans l’ESS ?  

D.B : « au-delà de notre pluralité, quelque chose nous unit et doit être bien plus fort que toutes nos différences. Notre rôle fédérateur nous cherchons à l’assumer en poursuivant deux directions : la première en organisant une résistance et en évaluant les risques en fonction des gouvernements qui vont arriver. Il sera essentiel de faire un état des lieux et de trouver des solidarités entre les secteurs et les familles. Le deuxième combat sera de construire ensemble un récit. Je ne suis pas toujours d’accord avec cette idée d'une responsabilité de l'ESS dans la montée de l’extrême droite car nous avons apporté du progrès. »  

Y.F : « l’ESS est un mécanisme de compromis pour essayer de combler les béances de l’action politique et économique dans la société. Nous entrons dans une ère de résistance après avoir été dans une ère de la co-construction. Nous devons nous former à la résistance, au-delà de la consommation. »  

 

Comment organiser cette rébellion en tant que SIAE et dans quelles perspectives ? Par exemple, en nous déconventionnant de l’état et en construisant une feuille de route de façon autonome ?  

J.A : « Il faut poursuivre dans nos actions pour que l’état continue d’être une force qui puisse s’opposer à celles qui veulent tout détruire. La finance reste notre ennemi. […]  Il faut une puissance étatique pour organiser des réponses aux défis qui sont posés autour des grandes fonctionnalités de la vie. »   

D.B : « il est hors de question de nous passer de la deuxième jambe que constitue l’état pour continuer d’avancer. Dans l’ESS, nous posons la question de l’agir territorial. »  

 

La suite du débat a laissé place aux questions du public.  

Parmi elles, Comment survivre sans auto-financement ? Comment penser l’impact de nos actions auprès de nos salariés notamment en regard des réalités vécues par les femmes Comment porter le message de l’IAE sur la sphère médiatique et la remettre sur le devant de la scène ? ; Comment porter plus haut le message et accompagner les salariés dans la réalisation d’eux-mêmes, dans la conscience et la mise en oeuvre de leur pouvoir d’agir “citoyen”, au-delà de simplement “penser son travail” ? Quels sont les domaines à conquérir en priorité ? Ne serait-ce pas celui de la mobilisation territoriale ?